« Regarder les choses en face éveille l’esprit » dit le Yi Jing (2/2)
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F – « Regarder est pour l’être humain le moment des bilans… »
Je poursuis ma lecture du Livre des Changements dans son interprétation de l’hexagramme 20 – REGARDER : « Regarder est pour l’être humain le moment des bilans : il invite à marquer le pas, à stabiliser un processus qui entraînait jusque-là de lui-même, à faire porter son regard sur ce qui a été accompli… L’hexagramme a la forme d’une porte (deux traits Yang sur quatre traits Yin), celle que l’on doit franchir pour procéder au changement de son point de vue ».
Faire le bilan, Ok, je vois de quoi il s’agit. Je connais, j’en fais régulièrement (et de quelle façon ? Avec mon mode de pensée habituel ? Décidément, il est difficile d’en sortir).
G – « Regarder demande des qualités particulières… »
« Regarder demande des qualités particulières de courage et de discernement : c’est l’un des deux hexagrammes à mettre particulièrement en valeur le Chef Accompli, modèle ici de qui peut considérer le passé sans nostalgie et la disparition sans faiblesse ».
Ah oui, laisser filer ses espoirs déçus, abandonner ses illusions et oublier cette vie potentiellement vécue par procuration.
Avoir des rêves, oui ; rêver sa vie, non.
Avoir des rêves, oui ; vivre dans le passé, la nostalgie de ce qui aurait pu avoir lieu ou de ce qui a eu lieu effectivement et s’en mordre les doigts ; ou imaginer le futur idéal et poursuivre sur ses habitudes dans un soupir… de découragement. Non.
Alors oui, il faut du courage pour « regarder », observer, puis accepter de comprendre (de prendre avec soi au sens étymologique) ce que nous découvrons…
Cela me rappelle le moment où j’ai pris conscience que je ne serais pas heureuse comme je l’entendais avec mon conjoint de l’époque. Je suis devenue lucide en observant la situation telle que je la vivais : soit je continuais en roue-libre à vivre ce couple mortifère-sécurisant-sclérosant, soit je prenais le risque de « mettre les pieds dans le plat » pour changer ce qui ne me convenait pas… Et j’ai divorcé.
Alors ? Regret ? Remords ? Nostalgie ?
Cela me rappelle le moment où j’ai compris que mon emploi Cadre-bien payé était sans avenir. Et, à moins d’occuper la place du chef (comme me le disait mon hiérarchique-chef d’entreprise), je plafonnais et n’avais aucun avenir autre que celui d’assurer un salaire tous les mois et m’ennuyer ferme… J’ai négocié mon départ plutôt que continuer à fonctionner sur pilote automatique, alors même que j’avais des engagements financiers sur le long terme et que je venais d’être maman…
Alors ?
…Aucun regret, aucun remords.
Oui, il faut du courage pour « regarder les choses en face ».
La lucidité demande du cœur à l’ouvrage pour tenter de rester fidèle à soi-même.
H – Regarder ou être vu – être découvert – être regardé ?
Cet idéogramme est un verbe dont le sens est double. Au mode actif, il signifie voir, aller voir, apercevoir et au mode passif apparaître, se manifester, être visible.
Ce qui me rappelle la notion de fidélité à soi-même : être fidèle à soi-même, c’est aussi se montrer dans sa vérité, dans son caractère, dans ses valeurs. C’est mettre en cohérence ses pensées, ses paroles et ses actes.
C’est se montrer visible et authentique, d’abord à ses propres yeux, puis à qui nous voit.
Cela me fait penser au « point de vue », ces belvédères perchés dans la montagne qui permettent d’observer le paysage au loin et projeter son regard aussi loin que possible.
Cela me fait aussi penser à nos points de vue humains, à nos façons de percevoir une réalité et aux modifications qui peuvent se produire ainsi dans nos consciences.
I – Après avoir regardé, les prises de conscience apparaissent
« Ce caractère a en outre un usage courant en chinois. C’est une particule post-verbale, indiquant la réalisation d’une perception opérée par la vue ou par n’importe quel organe des sens et, plus généralement, un entendement parvenu à la conscience. »
Ok, je deviens lucide lorsque j’observe et seulement lorsque j’observe.
Je deviens lucide lorsque je n’interprète pas la réalité, lorsque je n’y projette pas mes désirs, lorsque je ne juge pas et ne compare pas avec mes attentes imaginaires.
Je deviens lucide lorsque je renonce à mes points de vue, surtout lorsqu’ils ne collent pas avec la réalité, lorsqu’ils ne collent pas avec mes attentes ou avec ce qui m’est familier.
Bref, je deviens lucide lorsque je regarde les personnes, les situations, les événements sans a priori et sans attente. Lorsque je suis dans l’acceptation de ce qui est.
Alors je regarde la réalité en face et je deviens éveillée…
Le regard intérieur, plus perçant, plus juste
Cet idéogramme représente entre autre des oiseaux à aigrette et aux grands yeux ronds fixes qui voient la nuit : chouette, hibou, grand duc, « oiseaux tous caractérisés par leurs vastes yeux ronds qui leur permettent de voir dans le noir. Pour cette raison, ces oiseaux sont dans différentes civilisations des symboles de sagesse. »
Dans l’esprit de cette approche, il est question d’un regard intérieur, introspectif, fait de concentration et de recueillement, comme pour se dépouiller d’avoir trop regardé tout et n’importe quoi à l’extérieur. Il est question d’observer vraiment, sans a priori et en conscience, avec sincérité, dans notre nudité intérieure.
Au cœur de cet idéogramme Regarder, il y a « Usure ». Autrement dit, au cœur d’un moment d’élévation du point de vue, il y a une disparition portant en elle les germes d’un renouvellement. « Les deux figures sont dans le prolongement l’une de l’autre, l’hexagramme 20 Observe précédant Usure dans le cycle du calendrier.
L’évanouissement de la lumière est ce qui pousse au dessaisissement de la manière habituelle de percevoir. L’élagage des certitudes apprend à regarder l’obscurité en face, à envisager l’absence, à se détacher de ce qui a été réalisé. »
Bref, plus je suis dans le noir, mieux je dois me sentir (accepter de).
Plus le tunnel d’incertitude est long à traverser, plus ma vision va s’habituer à l’obscurité et plus-et-mieux je verrai l’essentiel… qui est ? Je le saurai si je décide d’observer vraiment…
Retour à la question posée au Yi Jing : conclusion ?
Ok, ok. Alors si je reviens à ma question initialement posée au Yi Jing et objet de ce long développement (« Que dois-je faire aujourd’hui pour déployer mon activité professionnelle ? »), je suis censée ne rien faire de particulier si ce n’est « observer, regarder » et me détacher de mes attentes, de ce que va ou pourrait devenir mon roman « toi ou la vraie vie » (au hasard), de ce que va générer l’énergie déployée pour faire aboutir des projets qui me tiennent à cœur (et dont les étapes ne me sont pas connues d’avance pour y parvenir).
En bref, j’apprends chemin faisant et c’est trèèès inconfortable. Je suis le chemin et je suis le chemin (« suis » : du verbe « être » et du verbe « suivre »)
ET je dois me dépouiller de mes vieilles préoccupations, comme « qu’est-ce que mes lecteurs pensent de mon roman ? Quels sont leurs avis, leurs commentaires ? Est-ce que mes autres projets, une fois concrétisés, vont « faire un carton » ? Comme d’autres interrogations du type : est-ce je vais être apprécié-e ? Est-ce que je vais avoir ce poste / Ce client / ce dossier / cette reconnaissance / … ?
Je dois faire le deuil de mes attentes (passéistes), faire de la place pour le Nouveau en moi. Et pour ce faire, regarder ce dont je dois me détacher, ce qui me pèse, qui me ralentit, m’alourdit…
Solitude partagée ou solution altruiste ?
Je me sens bien seule d’un coup alors je vous tends ces mêmes questions en miroir :
– Qu’est-ce que vous ne voulez pas voir dans votre vie (et qui vous dérange quelque peu) ?
– Ou que vous n’êtes pas (encore) capable de voir ?
– Ou la chose / la vérité / la réalité à voir et pour laquelle vous n’êtes pas assez mûr(e) ou pas prêt(e) (à faire bouger, à faire évoluer) ?
Autrement posée, la question peut être :
– Qu’est-ce que vous vous cachez à vous-même ?
– Qu’est-ce que vous refusez de voir ?
– Ou encore Qu’est-ce qui vous empêche de lâcher prise ?
– Qu’est-ce que vous refusez d’élaguer dans votre vie ?
– De quelles certitudes devez-vous vous débarrasser pour libérer votre esprit, pour voir la réalité en face ?
– Qu’est-ce qui vous fait peur au point que vous préférez rester ancré(e) dans des certitudes plutôt que de considérer la vérité en face ?
Et bien, au risque de vous paraître inopportune ou choquante, je suis contente de secouer quelque peu votre cocotier 🙂
Sur ce, je vous souhaite (toujours !) le meilleur 😀
Consultante, Pédagogue,
Conférencière, Auteure
Ouvrage : « A Quoi pense une Professionnelle de la Formation en train d’animer un Stage ?«
Roman : « toi ou la vraie vie »
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